mardi, septembre 27, 2005

Quelques documents sur la décolonisation et ses difficultés en Algérie

Document 1 : Déclaration de Guy Mollet (*), président du Conseil
Aujourd'hui, il ne faut pas se dissimuler la réalité. Parce qu'elle compte huit millions de musulmans non assimilés, l'Algérie n'est pas une province française comme les autres, l'Artois ou la Normandie par exemple.De même, parce qu'elle comprend aussi ce million de Français d'origine métropolitaine auxquels elle doit tout, l'Algérie ne peut pas être un État national musulman. Nous rejetons absolument la conception d'un État algérien qui ne correspond pas plus à une réalité historique qu'à une réalité ethnique. (...) Mais s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre, pour en revenir à la situation antérieure, ou l'aggraver même dans le sens de l'injustice et du mépris à l'égard du musulman, alors, mesdames, messieurs, il y a erreur, pas avec nous !De même, s'il fallait préparer l'avènement d'un État musulman indépendant d'Algérie, ce qui reviendrait à éliminer la population d'origine européenne, alors, tout aussi fermement, pas avec nous ! (...)Nous voulons à la fois assurer l'ordre et promouvoir les réformes. (...)Dans le domaine militaire, des réformes radicales sont en cours. Les troupes seront mieux adaptées aux conditions de leur emploi.Nous avons actuellement en Algérie le cinquième de l'armée française. II est possible, j'en suis convaincu, de faire à la fois plus et mieux. Le gouvernement entend donner à l'armée sa pleine efficacité, mais il entend aussi - et il le prouvera - être compris et obéi à tous les échelons. Le gouvernement assurera sans défaillance la sécurité des personnes et des biens, celle des habitants d'origine européenne comme celle des musulmans (...)Sur le plan économique et social et sur le plan des réformes administratives, vous connaissez nos intentions : effort massif d'investissements, réforme agraire, relèvement des salaires des travailleurs agricoles. (...)Par une triple action militaire, sociale, diplomatique, la France entend témoigner de son esprit de justice, de sa résolution et de sa puissance de grande nation.
Déclaration à l'Assemblée nationale, le 9 mars 1956.
(*) Guy Mollet : secrétaire général du parti socialiste SFIO, président du Conseil sous la IV° République du 31 janvier 1956 au 21 mai 1957. .
Document 2 : Le point de vue, en 1958, d'un Français né en Algérie
Les Français d'Algérie sont français à 100 % et entendent le rester. Les Musulmans d'Algérie veulent une patrie et ont choisi d'être français. Cette qualité, malgré de nombreuses sollicitations, ne leur a jamais été accordée par le Parlement français qui, seul, pouvait le faire. Ce sont, par conséquent, les hommes politiques qui portent entièrement et solidairement la responsabilité de la situation actuelle.
Je me prends comme exemple du Français de souche métropolitaine (je le fuis sans gloriole ni aucune arrière-pensée personnelle car nous sommes plus d'un million à pouvoir revendiquer des titres analogues). Tous mes ancêtres se sont fixés en Algérie entre 1838 et 1851 et il est pour cela indéniable que la souche dont je suis issu a enfoncé dans le terroir des racines profondes qu'il est maintenant impossible d'extirper. Les quatre générations de ma famille qui se succédèrent ont toutes donné des preuves de civisme et de patriotisme et chacune a laissé des morts sur les théâtres des batailles de la France. Moi-même j'ai fait, sans que rien ne m'y oblige, six ans de guerre et l'unité à laquelle j'appartenais, composée mi-partie d'Algériens comme moi-même, a été choisie symboliquement pour marcher la première quand les troupes ont défile sur les Champs-Elysées dans une France enfin libérée. Personne ne peut donc douter de ma qualité intangible de Français habitant la province algérienne. (...)
L'Algérie est française et le restera. Nous sommes des Français et nous le resterons, nous ne céderons pas sur ce point et entrerons en lutte contre le régime, s'il entend en disposer autrement. (...) Cette confrontation peut signifier, à bref délai, une révolution. Cette révolution, avec tous ses risques et ses aléas, le régime est-il prêt à la provoquer ? La question lui est maintenant posée.
Colonel Bourgoin (*), "Rassemblement de la France autour de l'Algérie qui entend rester française", L'Écho d'Alger, 14 mai 1958
(*) Colonel Bourgoin : né en 1907 à Cherchell, en Algérie. II accomplit une carrière militaire valeureuse durant la Seconde Guerre mondiale. II est démobilisé en 1945. À la fin de l'année 1958, il est élu député gaulliste à Paris.
Document 3 : Discours (*) du général de Gaulle, lors du putsch d'Alger
Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento (**) militaire.Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire.Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.Car l'immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l'abîme, le 18 juin 1940 ; mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire fût remportée, l'indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l'État, de maintenir l'unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au dehors, de poursuivre notre œuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d'être rendu vain à la veille même de la réussite, par l'aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l'État bafoué, la nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis.Et par qui ? Hélas ! hélas ! hélas ! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être de servir et d'obéir.Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. (...) L'avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois. Devant le malheur qui plane sur la patrie et devant la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en œuvre l'article 16 de notre Constitution. À partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances.Par là-même, je m'affirme en la légitimité française et républicaine qui m'a été conférée par la nation, que je maintiendrai, quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce que viennent à me manquer soit les forces soit la vie, et que je prendrai les moyens de faire en sorte qu'elle demeure après moi.Françaises, Français ! Voyez où risque d'aller la France par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir. Françaises, Français ! Aidez-moi !
France-Soir, 25 avril 1961
(*) Discours prononcé à la radio et à la télévision le 23 avril 1961.(**) Pronunciamiento : coup d'État militaire.
Document 5 : Extrait de la une du Figaro, 19 mars 1962
* Ben Khedda : président du gouvernement provisoire de la république algérienne.* Ben Bella : un des chefs historiques de l'insurrection algérienne.* ALN : armée de libération algérienne.